Le Sénat a examiné aujourd’hui une proposition de loi organique de la majorité sénatoriale visant à revenir sur l’interdiction du cumul de mandat entre un parlementaire et un maire d’une commune de moins de 10 000 habitants. Les auteurs présentent ce cumul comme une réponse au sentiment de déconnexion entre les Français et leurs parlementaires. Le seuil de 10 000 habitants se justifierait par une « charge de travail réaliste » dans ces communes.
Avec cette proposition, la majorité sénatoriale, pourtant très critique sur le cumul de mandat horizontal, mène un combat d’arrière-garde et cultive l’entre-soi, à l’image de son refus constant de toutes avancées en matière de participation citoyenne.
La limitation du cumul de mandats a été instaurée progressivement à la faveur des lois de décentralisation de 1981. Ces avancées démocratiques ont été systématiquement portées par des gouvernements de gauche en trois dates emblématiques : 1985, 2000 puis 2014.
La littérature scientifique et les débats parlementaires fleurissent pour décrire les effets négatifs de cette exception française qu’est le cumul de mandat et qui s’explique par notre rapport maladif à la centralisation et par un abaissement du Parlement sous la 5ème République. Par ailleurs, l’opinion publique condamne sévèrement ces pratiques obsolètes.
Aujourd’hui, un parlementaire peut toujours exercer un mandat simple. C’est d’ailleurs le cas d’en moyenne un parlementaire sur deux. Par ailleurs, la disposition proposée concernerait 97% des communes. Or, dans ces communes, selon le baromètre CEVIPOF/AMF, les maires déclarent consacrer entre 22 et 45 heures hebdomadaires à leur mandat.
En réalité, cette proposition de loi va à rebours du titre qu’elle affiche. Elle consacre le rôle périphérique du Parlement et contribue à l’affaiblissement des collectivités en les considérant comme accessoires, hors du recours à la centralité. Elle privilégie la concentration des pouvoirs aux mains de quelques-uns et l’assèchement de la concurrence politique au détriment d’une démocratie pluraliste.
Le groupe Les sénatrices et sénateurs socialistes, écologistes et républicains que je représentais s’est opposé à cette régression législative par souci du bon fonctionnement de nos institutions démocratiques.
La République a besoin d’un Parlement renforcé et non pas d’un renforcement du cumul de mandat. Elle a besoin d’un gouvernement local reconnu et respecté, notamment en consacrant un vrai statut de l’élu. La décentralisation portait la promesse d’une démocratie locale et non pas de baronnie locale, généralement masculine. La République a besoin, enfin, de féminiser ses assemblées, de renouveler et moderniser la moderniser la vie politique avec plus de participation citoyenne.