Proposition de loi visant à créer un délit d'entrave à l'exercice du droit d'asile

Cosignataire

Exposé des motifs

En l'état de notre droit positif, aucune disposition ne permet d'engager des poursuites judiciaires à l'encontre d'individus qui commettent des actes de nature à entraver sciemment l'exercice du droit d'asile en France, droit constitutionnel et conventionnel, alors même que les auteurs de ces actes sont sans aucun doute animés de l'intention de nuire.

En effet, seule « l'aide à l'entrée et au séjour irrégulier » est pénalisée dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Rappelons sur ce point que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, a pour la première fois jugé que la fraternité était un principe à valeur constitutionnelle. Pour ce faire, il a rappelé qu'aux termes de l'article 2 de la Constitution : « La devise de la République est «Liberté, Égalité, Fraternité» » ; ajoutant que la Constitution se référait également, dans son préambule et dans son article 72-3, à l'« idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité ». Il en a conclu qu'il découlait de ce principe la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national. Pourtant, en dépit des modifications successives apportées par le législateur, les poursuites pénales contre les actions menées par des citoyens à l'égard de personnes migrantes dans la détresse demeurent. Les nouvelles dispositions contenues dans la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ne remédient pas selon nous à ces difficultés.

Or, pendant que des citoyens solidaires animés de valeurs humanistes sont injustement inquiétés et font toujours l'objet de poursuites judiciaires (là où seuls les trafiquants et passeurs devraient être sanctionnés avec fermeté pour l'exploitation qu'ils font de l'exil de personnes migrantes), d'autres individus, souvent animés par des idéologies racistes et xénophobes, participent en toute impunité à des actions scandaleuses destinées à entraver l'exercice du droit d'asile en France.

Il apparaît particulièrement inadmissible que de telles actions, parfois d'une extrême violence psychologique ou physique, puissent perdurer, et que leurs auteurs ne soient pas inquiétés.

Malheureusement, des exemples récents démontrent que les étrangers et notamment les demandeurs d'asile sont fréquemment victimes de tels actes malveillants.

Ainsi, des personnes physiques, ou des groupuscules extrémistes constitués en associations, montent des opérations consistant à empêcher des personnes étrangères d'entrer en France et d'y solliciter l'asile, postant des kilomètres de barrières à la frontière franco-italienne, à renfort d'hélicoptères. D'autres détériorent intentionnellement à Paris, Calais ou ailleurs les tentes et abris provisoires de demandeurs d'asile, leur dérobant leurs objets et effets personnels, dont leurs documents pourtant utiles au dépôt d'une demande d'asile. Certains, encore, leur communiquent de fausses informations, ou les empêchent de se rendre auprès des autorités compétentes en vue de déposer une demande de protection internationale, dans certains cas en les éloignant de leur destination, au prétexte de les y accompagner en véhicule, pour les déposer à des kilomètres des structures de premier accueil des demandeurs d'asile.

Sans être poursuivis, faute de qualification pénale adéquate - hormis les cas où des violences ou des vols peuvent être caractérisés - , les uns et les autres se vantent pourtant fréquemment de leurs odieux exploits sur les réseaux sociaux.

Ces situations ne pouvant rester davantage impunies, la présente proposition de loi prévoit donc la nécessaire création d'un délit d'entrave à l'exercice du droit d'asile, puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros.

Cette proposition de loi met en place un système de peines complémentaires pour les personnes physiques et morales, et prévoit aussi une série de circonstances aggravantes lorsque les infractions sont notamment commises en bande organisée, qu'elles exposent l'étranger à un risque immédiat de mort ou blessures d'une extrême gravité, ou encore qu'elles concernent des mineurs étrangers. Les peines encourues étant alors portées à dix ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende.