Question écrite n° 16776

publiée dans le JO Sénat du 18/06/2020

Conformité de l'application GendNotes aux droits fondamentaux

M. Éric Kerrouche interroge M. le ministre de l'intérieur sur le décret n° 2020-151 du 20 février 2020 autorisant l'usage d'une « application mobile de prise de notes » par les gendarmes, dite GendNotes.

Dans son avis, la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) avait formulé des recommandations en vue de la rédaction du décret précité, mais celles-ci n'ont pas toutes été suivies d'effets. De nombreuses associations et de nombreux juristes ont également été critiques sur ces dispositions. La ligue des droits de l'homme a ainsi dénoncé l'absence de garde-fous pour les citoyens et un recours a été déposé auprès du Conseil d'État par les associations Internet Society France et HES-LGBTI+.

En effet, plusieurs éléments du décret interrogent sa légalité au regard des différents dispositifs nationaux et internationaux de défense des libertés individuelles : la « nécessité absolue », avancée pour justifier la collecte de données sensibles telles l'origine raciale, l'opinion politique, l'appartenance syndicale et les préférences sexuelles, ne trouve pas de définition dans le décret. En outre, même si cette notion venait à être explicitée, certaines informations se doivent de rester privées en toutes circonstances. En ce sens, François Mitterrand avait mis fin au fichage des homosexuels dans les années 1980 et le présent décret constitue un recul en la matière ; l'absence de précisions quant à l'interconnexion de GendNotes avec d'autres fichiers contrevient au principe des finalités limitées figurant à l'article 4°2 de la loi n° 78 - 17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; la transmission de l'information à l'autorité administrative (maires et préfets) concernant des personnes simplement mises en cause, voire lors d'une activité de prévention, peut constituer une violation du droit à la vie privée ; les données ne sont pas cryptées et les mots de passe ne sont pas sécurisés, contrairement aux recommandations de la CNIL ; le décret ne prévoit aucune mesure pour les mineurs, et ce alors qu'ils jouissent d'un droit au respect de la vie privée renforcé conformément à la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989.

En conclusion, ce décret apparaît présenter un risque certain de recul des droits et libertés individuelles.

Aussi, il l'interroge sur les mesures qu'il entend prendre pour que ce dispositif, si tant est que cela soit envisageable, soit mis en conformité avec le respect des droits individuels fondamentaux et notamment, avec les préconisations de la CNIL.

Transmise au Ministère de l'intérieur

 

> En attente de réponse du Ministère de l'intérieur