Proposition de loi portant des mesures d'urgence pour le logement

Cosignataire

Exposé des motifs

L'augmentation prévisible du chômage nécessite des mesures fortes pour empêcher de nombreux Français de basculer dans la précarité. L'urgence aujourd'hui est d'aider les personnes fragilisées par la crise à conserver leur logement.

Une étude de l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES) réalisée en avril dernier indique que « plus d'un tiers des actifs ont vu leurs revenus d'activité baisser. Certains d'entre eux font partie de ménages qui doivent faire face à des dépenses lourdes de logement. Plus de 4 millions de ménages sont soumis à cette double contrainte budgétaire, dont 2,5 à 2,8 millions sont probablement en difficulté (soit 6 à 7 millions de personnes) ». Une étude réalisée en 2018 par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) rappelait en effet « que le logement représente les deux tiers de la consommation préengagée des ménages pauvres ».

Le plan de sortie du confinement doit s'accompagner de mesures d'urgence renforcées pour éviter qu'une crise sociale durable ne s'installe. Il faut aller plus loin dans la protection des personnes les plus touchées en complétant la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 d'un titre dédié aux mesures d'urgence sociale.

Cette urgence sociale est relayée depuis des semaines par les acteurs de la solidarité mais également par les bailleurs sociaux et les associations d'élus.

Le fonds de solidarité pour le logement (FSL) est particulièrement mobilisé pour venir en aide aux ménages fragilisés par la crise sanitaire. Mais les locataires qui ont des difficultés à payer leur loyer et qui ne sont pas éligibles au fonds de solidarité pour le logement ne disposent pas d'aide spécifique. Le fonds de solidarité pour le logement n'est en effet pas universel, il est destiné aux personnes en situation de précarité sociale et reste ouvert selon les critères préalablement définis par chaque département.

Les bailleurs sociaux sont très attentifs dans le soutien de leurs locataires en difficulté de paiement. Le mouvement HLM et les associations nationales de locataires ont signé une charte en faveur des locataires en fragilité économique pendant la crise du covid-19. Mais les informations manquent quant à la situation dans le secteur privé.

La proposition de loi prévoit un abondement du FSL à hauteur de 250 millions d'euros pour gérer l'aide d'urgence « à la quittance ». La gestion de cette aide sera assurée par une cellule d'urgence « crise sanitaire » créée au sein des FSL. Cette cellule viendra en aide aux locataires du parc locatif social ou privé, ayant subi une perte de revenus à cause de l'épidémie et se trouvant en difficulté pour le paiement de leur loyer, et aux copropriétaires occupants, pour le paiement de leurs charges de copropriété, l'objectif étant d'éviter les blocages dans la gestion des copropriétés et prévenir toute dégradation (article 1er).

Dans cette période de fragilité pour les Français, les aides personnelles au logement doivent jouer plus que jamais leur rôle d'amortisseur de la crise. Les aides au logement sont la cible du Gouvernement depuis 3 ans avec successivement la baisse de 5 €, le gel des APL puis leur sous-évaluation systématique. Le groupe socialiste et républicain ne cesse de demander au Gouvernement de retirer sa réforme, prise par décret, modifiant les modalités de prise en compte des ressources pour le calcul des aides. Cette réforme injuste va faire perdre l'allocation à 600 000 personnes et générer une économie pour l'État estimée à 1,4 milliard d'euros par an.

Autant d'atteintes au pouvoir d'achat des ménages les plus fragiles et des jeunes quand on connaît leurs difficultés d'accès au logement. Pour ne pas fragiliser davantage les ménages en difficultés, la présente proposition de loi prévoit de maintenir systématiquement, pendant la période de gestion de la crise sanitaire, les aides au logement lorsqu'une situation d'impayés de loyer est signalée à la caisse des allocations familiales (article 2).

Pour ceux qui ont des emprunts en cours, une récente étude révèle que près de 65 % d'entre eux trouvent difficile d'honorer les remboursements et 30 % veulent suspendre et repousser les mensualités pendant plusieurs mois. Une contribution des banques à l'effort de solidarité nationale paraît légitime. La proposition de loi prévoit que les banques ne pourront pas refuser de suspendre le paiement des annuités d'un emprunt immobilier.

Cette mesure s'applique aux ménages qui ont subi une baisse de leurs revenus en raison des conséquences de la crise sanitaire. Le non-respect de cette mesure par les prêteurs sera sanctionné par une amende administrative pouvant aller jusqu'à 15 000 euros d'amende (article 3).

La sortie progressive de la période de confinement ne doit pas rimer avec « mise à la rue ». Il est impératif que les personnes ayant une habitation mais étant susceptibles d'être expulsées à l'issue de la trêve hivernale puissent conserver leur domicile pour se prémunir du virus et protéger la société. La proposition de loi prévoit de suspendre les expulsions locatives pour l'année 2020. Compte tenu des spécificités relatives à la période de la trêve hivernale, la prolongation des délais dans les territoires d'outre-mer pourra aller au-delà de l'année 2020.

Le fonds de solidarité pour le logement pourra également intervenir dans ces situations pour éviter une augmentation des expulsions locatives en sortie de crise (article 4).

Au regard de l'état d'urgence sanitaire, il importe de s'assurer de la continuité et de l'amélioration de prise en charge des personnes sans-abri par la veille sociale. Dans beaucoup de départements, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et autres dispositifs n'accueillent plus personne, faute de places.

La proposition de loi prévoit qu'aucune structure d'hébergement ne fermera pendant la gestion de la crise pour assurer la mise à l'abri des personnes sans domicile. Pour réaliser en urgence les mises à l'abri, la proposition de loi prévoit d'autoriser temporairement les maires à procéder, par voie de réquisition, au relogement des personnes sans-abri se trouvant sur le territoire de la commune. En effet, en raison de la saturation de la veille sociale, de nombreuses personnes, y compris de nombreuses familles avec enfants, restent à la rue sans qu'aucune solution ne leur soit proposée.

Les associations de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sont en première ligne dans la gestion de la crise sanitaire et de l'hébergement d'urgence pour venir en aide aux personnes en situation de précarité qui nécessitent un accompagnement renforcé du fait de la pandémie.

Elles interviennent aussi pour trouver des solutions d'hébergement d'urgence, en lien avec les élus locaux, et pour sécuriser les lieux d'hébergement.

Ces associations sont confrontées elles-mêmes, dans un contexte d'urgence et de sur-sollicitation, à des difficultés majeures : approvisionnement en masques, surcoûts générés par les mesures de protection, manque de moyens financiers, baisse de leurs fonds propres, augmentation de l'aide aux familles notamment au titre de l'urgence alimentaire, manque de personnel et de bénévoles... et plus globalement l'urgence à venir en aide à des milliers de personnes démunies face à la crise sanitaire. À l'heure où les Français font preuve massivement de solidarité et de générosité dans le cadre des appels aux dons, le Gouvernement doit démontrer que le « quoi qu'il en coûte » n'est pas valable que pour le secteur économique. Il doit s'appliquer tout aussi largement à la justice sociale, en donnant les moyens dont elles ont besoin aux associations qui assurent la protection de nos citoyens les plus vulnérables. Il est proposé de mettre en place une aide aux associations de lutte contre la pauvreté et l'exclusion d'un montant de 50 millions d'euros (article 5).