Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile

Cosignataire

Exposé des motifs

Le droit de la responsabilité civile, c'est-à-dire la possibilité pour une personne qui a subi un dommage d'en obtenir la réparation auprès de son auteur ou de la personne qui en répond, repose sur cinq articles du code civil quasiment inchangés depuis 1804. Or, depuis cette date, ce régime, enrichi par plus de deux siècles de jurisprudence des juridictions judiciaires et, notamment, de solutions prétoriennes de la Cour de cassation, a connu des changements profonds destinés à mieux assurer la réparation des victimes de dommages. Il en résulte un corpus de règles écrites qui ne reflète plus, aujourd'hui, la réalité de la responsabilité civile organisée par le droit français.

Ce constat, largement partagé, est à l'origine d'intenses réflexions engagées depuis les années 2000 sur la réforme de ce régime, qui se sont inscrites dans le cadre plus large de la refonte du droit des obligations, afin de renforcer l'accessibilité et la sécurité juridiques du droit de la responsabilité civile.

En 2005, un premier groupe de travail dirigé par Pierre CATALA, professeur émérite de l'Université Paris II Panthéon-Assas aujourd'hui disparu, et Geneviève VINEY, professeur honoraire à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne, a remis au garde des Sceaux un projet de réforme des obligations et de la prescription, dit « avant-projet Catala ». Un autre projet, dit « avant-projet Terré », a été élaboré à partir de 2008 par un groupe de travail constitué au sein de l'Académie des sciences morales et politiques, sous la direction de François TERRÉ, professeur émérite de l'université Paris II Panthéon-Assas.

S'inscrivant dans ces réflexions, le Sénat a proposé dès juillet 2009, sur le rapport des sénateurs Alain ANZIANI et Laurent BÉTEILLE, 28 recommandations pour une réforme de la responsabilité civile, reprises dans une proposition de loi déposée en 2010 par Laurent BÉTEILLE.

Ce n'est pourtant que le 13 mars 2017 que la Chancellerie a présenté son projet de réforme de la responsabilité civile, après une consultation publique menée en 2016.

Désireuse que le Parlement puisse se saisir rapidement de ce projet de réforme, la commission des lois a créé en novembre 2017 une mission d'information afin de préparer la discussion parlementaire. Elle a désigné à cette fin un binôme de rapporteurs, Jacques BIGOT (Socialiste et républicain - Bas-Rhin) et François PILLET (Les Républicains - Cher) remplacé, à la suite de sa nomination comme membre du Conseil constitutionnel en février 2019, par André REICHARDT (Les Républicains - Bas-Rhin).

Dans le rapport intitulé « Responsabilité civile : 23 propositions pour faire aboutir une réforme annoncée », adopté le 22 juillet 2020 par la commission des lois, les rapporteurs font le constat de la nécessité de faire aboutir une réforme du droit de la responsabilité civile attendue et utile. La réflexion menée depuis bientôt vingt ans semble suffisamment aboutie sur certains points majeurs pour que la réforme ne soit pas différée davantage.

Les rapporteurs ont entendu dégager les axes les plus consensuels de la réforme, écartant certains sujets bloquants. Il en va ainsi, notamment, de l'intégration dans le code civil des dispositions de la loi Badinter sur les victimes d'accidents de la circulation et de leur évolution. Dans ce domaine, les deux nouveautés proposées par le texte de la Chancellerie - amélioration de l'indemnisation du conducteur fautif et extension du régime spécial à tous les accidents impliquant un chemin de fer ou un tramway circulant sur une voie propre, jusqu'à présent hors du champ de la loi Badinter - sont des modifications importantes et méritent un texte et un débat spécifiques.

Prenant comme base de travail le projet de la Chancellerie, dont la qualité est saluée par l'ensemble des acteurs, ils ont sélectionné les dispositions qui pourraient être inscrites rapidement au sein du code civil et qui reprendraient, dans un esprit pragmatique d'efficacité, les 23 propositions du rapport de la commission des lois.