Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, en faveur de la création de paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs

Cosignataire

Exposé des motifs

Notre agriculture est incontestablement à un tournant de son histoire. Changements climatiques, raréfaction de nos ressources naturelles, épuisement de notre biodiversité, concurrence économique exacerbée, instabilité des revenus, crise des vocations... autant de défis qui rendent aujourd'hui le métier d'agriculteur de plus en plus difficile et incertain.

À ces contraintes climatiques, économiques et conjoncturelles, s'ajoutent des attentes sociétales de plus en plus fortes en termes de préservation de notre environnement et de qualité des produits et des aliments que nous consommons. Ces attentes se transforment malheureusement souvent en critiques et participent d'une forme de détérioration de l'image du métier d'agriculteur depuis quelques années. Certains scandales sanitaires ont, en effet, jeté l'opprobre sur toute une profession alors même que nous savons que la très grande majorité des agriculteurs oeuvre au quotidien pour améliorer ces pratiques.

Les législateurs que nous sommes sont mécaniquement de plus en plus interpellés sur ces questions. De grandes réformes ont déjà été menées pour répondre à ces attentes, à commencer par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt qui a mis l'agroécologie au coeur de notre politique agricole avec son corollaire, la nécessaire diminution des intrants sur les exploitations agricoles dans le but de préserver au mieux nos écosystèmes pour en tirer le meilleur.

Face à ces nouveaux et nombreux défis, ainsi qu'aux mutations qui s'engagent d'ores et déjà, nous devons poursuivre les efforts engagés en apportant de nouvelles réponses adaptées.

Pour ce faire, nous devons repenser certains outils existants - voire en créer de nouveaux - pour que nos politiques publiques puissent impulser de réelles mutations. Cette révolution que les auteurs de cette proposition de résolution appellent de leurs voeux doit se faire intelligemment en concertation avec tous les acteurs et pour le bien de tous.

Il ne s'agit pas de stigmatiser les agriculteurs mais au contraire de valoriser leurs actions. Il s'agit également de réconcilier les citoyens avec les agriculteurs en promouvant des politiques vertueuses qui vont dans le sens de l'intérêt général.

À ce titre, les paiements pour services environnementaux (PSE) apparaissent comme un outil pouvant allier une nécessité économique à une attente sociétale.

Les auteurs de cette proposition de résolution retiennent comme définition de ces PSE les externalités positives de l'agriculture, c'est-à-dire les effets positifs sur les écosystèmes pouvant être engendrés par des modes de production ou des pratiques agricoles adaptés.

En d'autres termes, il s'agit d'encourager, en les rémunérant dans la durée, les pratiques qui permettent d'améliorer la santé et l'efficacité agronomique et environnementale des écosystèmes. Il ne s'agirait donc plus seulement de compenser des surcoûts ou des manques à gagner - comme les dispositifs actuels de type MAEC (mesures agro-environnementales et climatiques) le proposent - mais bien de rémunérer de façon permanente des pratiques apportant une plus-value environnementale et climatique.

Des exemples existent déjà dans le domaine privé. L'un des plus emblématiques est celui de la société Perrier-Vittel qui a développé, dès les années 1990, une politique de protection de ses sources en contractualisant avec les exploitants agricoles pour qu'ils changent leurs pratiques et préservent les nappes phréatiques.

Par ces PSE, il s'agirait également de valoriser le rôle indispensable joué par les agriculteurs en matière d'aménagement du territoire et d'entretien de nos paysages. En tant que premiers usagers et aménageurs de ces espaces, les agriculteurs sont d'ailleurs de plus en plus associés à l'élaboration et la mise en oeuvre de nos politiques publiques, notamment au niveau local au travers des différents documents d'aménagement (PLU, SCOT). Toutes ces actions sont profitables à l'ensemble de la société et les citoyens en bénéficient au quotidien, malheureusement bien souvent sans s'en rendre compte.

Les auteurs de cette proposition de résolution sont conscients du fait que la réglementation européenne et les règles de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) contraignent le développement de nouvelles politiques d'aide publique à la rémunération de services environnementaux. En effet, ce cadre est un obstacle au développement de nouveaux outils dès lors que les aides ne peuvent s'entendre que par la compensation des surcoûts induits par les modifications de mode de production et non être une reconnaissance de la valeur environnementale produite par les changements des pratiques.

Le législateur, en France comme dans tous les États membres, voit donc ses marges de manoeuvre limitées. Pour autant, nous ne saurions rester muets sur ce sujet majeur. D'autant plus que la question majeure de l'intégration aux règles de l'OMC de possibilités de soutiens valorisés comme celle de la PSE devrait être traitée à l'aune des engagements de la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques (COP21) et donc déboucher sur des classements OMC les permettant (boîte verte).

Actuellement, certains outils existent mais ils demeurent insuffisants. Les MAEC sont parfois et à tort assimilées à une forme de PSE. Si l'outil MAEC reste pertinent, il n'en demeure pas moins une politique basée sur une obligation de moyens et non de résultat, rémunérant les seules limitations des externalités négatives de notre agriculture (comme la réduction de la pollution des sols ou la baisse de l'usage des pesticides) et les surcoûts engendrés. Or, comme nous venons de le rappeler, l'intérêt des PSE, même si cela implique une mise en oeuvre plus complexe, est de valoriser de façon permanente les externalités positives et s'intègre donc davantage dans une logique d'obligation de résultat.

S'agissant de cette obligation de résultat, si les PSE devront nécessairement être attribués selon des critères spécifiques et être proportionnels aux bénéfices qu'ils génèrent pour l'environnement, leur seule conditionnalité à l'atteinte de résultats objectivables pourrait apparaître complexe. Certains PSE pourront en effet être pensés à une échelle macroéconomique quand d'autres devront l'être nécessairement à l'échelle d'une exploitation ou d'un territoire donné. C'est pourquoi les PSE ne devront pas faire l'objet d'un cadre rigide. Adaptabilité et subsidiarité doivent être au coeur des dispositifs.

En outre, les auteurs de cette proposition de résolution estiment que les MAEC et les PSE sont deux outils complémentaires. Ils précisent donc que la création de PSE ne saurait impliquer une disparition ou même une diminution à court terme des budgets consacrés aux MAEC.

Les récentes propositions législatives de la Commission européenne pour la future politique agricole commune (PAC) semblent ouvrir la voie à la possibilité de création de ces PSE au sein du premier pilier, possiblement au titre du dispositif appelé par la commission « ECO scheme ». Ce nouveau système de « programmes écologiques » obligatoires pourrait être financé par l'enveloppe nationale de chaque État membre affectée aux paiements directs et viserait à rémunérer des pratiques agricoles allant au-delà de ce qui est actuellement exigé au titre de la conditionnalité.

Or, nous savons qu'il y a un risque fort de diminution du futur budget de la PAC et le monde agricole s'inquiète, à juste titre, des conséquences que cela produira sur les aides directes qu'il perçoit. Par ailleurs, cette proposition de PSE dans le premier pilier reste pour l'heure une piste de travail et nous savons que peu de pays la soutiendront ; la France apparaissant bien souvent isolée sur ces questions.

En tout état de cause, les auteurs de cette proposition de résolution estiment que nous ne saurions nous en remettre uniquement à l'Europe pour entamer des actions concrètes. À l'échelle nationale, nous pouvons d'ores et déjà engager et encourager certaines pratiques et certaines politiques. Le nouveau plan « Biodiversité », présenté le 4 juillet 2018, a d'ailleurs posé - certes timidement - le principe d'une enveloppe consacrée à la mise en place de PSE en France. Par ailleurs, les démarches des régions engagées de manière durable en faveur de l'agriculture biologique peuvent déjà être assimilées à des PSE.

C'est ici tout l'objet de cette proposition de résolution qui vise, d'une part, à encourager les pouvoirs publics français à mettre en oeuvre dès maintenant un cadre incitatif et des mesures concrètes pour développer des paiements pour services environnementaux (PSE) sur notre territoire et, d'autre part, à inviter le Gouvernement à s'engager dans le cadre de la réforme de la PAC à défendre la création de PSE.

Les auteurs de cette proposition de résolution tiennent à préciser que leur objectif est bien ici d'apporter une nouvelle source de revenus aux agriculteurs et non de les accabler avec de nouvelles normes.

Si la France est en mesure de montrer à ses partenaires européens que les PSE sont une réponse intelligente et adaptée aux défis économiques que le monde agricole doit surmonter, tout en répondant aux attentes sociétales, elle pourra peser davantage sur la scène européenne pour en faire un dispositif majeur de la future PAC.